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De Agarak à Tabriz

Le motard et la moto éléphant sont sur le territoire iranien. 

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Le passage de la frontière fut très simple et rapide pour le motard : il a été accueilli avec un grand sourire par un douanier dûment galonné, qui le remercia de venir un Iran et lui rendit son passeport avec un beau tampon de plus. L’affaire prit cinq minutes, bavardage sur l’équipe de France de football inclus. 

Pour la moto éléphant, ça se passa dans un autre bâtiment et ce fut une autre histoire. Une multitude de fonctionnaires suspicieux examinèrent sa carte grise, cherchant péniblement à repérer à quoi correspondaient les multiples numéros dont leurs homologues français raffolent, puis s’enquirent de trouver où était gravé le numéro de série sur l’engin, prirent des photos, la moto éléphant se mit à minauder, la sotte, alors qu’elle est dégoûtante et, chargée comme un bourricot, fort peu attirante tu peux le croire, bref l’affaire prit deux bonnes heures. Ah ! Elle peut être fière d’elle la teutonne.

Bref, le motard a glissé dans une valise les paperasses multiples qui lui furent remises, et  auxquelles il ne comprend rien, car c’est écrit en farsi, mais dont il lui fut bien précisé qu’il faudrait les remettre à la frontière turque pour pouvoir sortir d’Iran. 

 

La moto éléphant a fait son intéressante, très bien, maintenant il s’agit de rouler sur les routes d’Iran et, tu le verras sur le film du Scorsese à deux roues, il s’agit de routes somptueuses. En ville, tu le verras aussi, c’est amusant.

Ce soir, arrêt à Tabriz. A l’hôtel, car le motard n’a pas pensé à quelques petit détail en partant. D’abord, sa technique habituelle, se rendre dans un bistrot du centre ville pour demander au serveur de l’aider à trouver un endroit où crècher qui ne soit pas un hôtel c’est très bien, ça marche partout sauf qu’ici... il n’y a pas de bistrot. Ensuite, il ignorait que les iraniens n’ont absolument pas le droit d’accueillir des étrangers de passage qu’ils ne connaissent pas, c’est formellement interdit. Alors le demander mettrait son interlocuteur dans l’embarras et éventuellement en danger s’il acceptait. Ils le font quand même paraît-il, car les iraniens sont très accueillants, mais le motard ne sait pas comment s’y prendre, alors ce soir il va y réfléchir à l’hôtel...

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L’avantage c’est que, dans cet hôtel, il y a un wifi de course. Bien sûr, on ne peut pas accéder à beaucoup de chose, c’est bien normal, nous ne sommes pas dans une démocratie laxiste et décadente, les horreurs comme FB ou  le site un  peu stupide  que tu es en train  de  consulter  sont inaccessibles, car inexistants. Mais le motard est prévoyant : comme 

tous les iraniens il a un petit logiciel magique qui permet de s’affranchir de ce genre de petits désagréments et de continuer, même ici, à être délicieusement décadent.

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Le motard n’hésite pas, d’ailleurs, à te faire part de ses premières impressions. Sans doute t’en fiches-tu comme de ton premier turban des impressions du motard, car tu n’es qu’un geek décadent probablement affalé dans un canapé mou au design improbable, en train de t’enfiler mollement quelque boisson alcoolisée ignoblement décadente accompagnée, comble du déclin, de ces abominables cochonnailles très mauvaises pour la foi. Le motard a un peu de commisération pour toi, mon pauvre Geek, ton foie doit être dans un drôle d’état, tiens. Bon, où en était le motard déjà ? Ah oui, ses premières impressions. Il vient d’arriver, donc il ne voit encore les choses que superficiellement, mais disons que, dans cette petite ville de province plutôt laide, il lui est difficile de faire la différence entre les passants qu’il croisait avant-hier quand il a déambulé à pieds dans Erevan et ceux qu’il croise ici dans les rues de Tabriz. Il y a plus de femmes de noir vêtues bien sûr, mais il s’agit plutôt des vieilles, les jeunes sont habillées comme partout ailleurs, sinon qu’elles portent un voile sur la tête, souvent assez élégant, de couleur pastel et largement rejeté sur l’arrière : en général il y a des lunettes dans les cheveux et, derrière, le voile. Autre impression, la police. Le motard a dû passer au moins 4 ou 5 barrages de police. Enfin, une zone où il faut ralentir à 30km/h et passer devant une guérite... vide ! En Turquie et en Arménie il y avait le même genre de barrages mais les pandores locaux avaient au moins la décence d’être présents et, surtout en Turquie, d’arrêter des autos pour les contrôler. Le motard trouve la police iranienne un peu laxiste. Enfin, la moto éléphant fait forte impression ici : le motard ne compte plus les gestes de la main, les petits coups de klaxon ni les automobilistes qui baissent leur vitre pour dire au motard des tas de trucs auxquels il ne comprend rien. La moto éléphant assure qu’elle le sait, qu’elle comprend le farsi, car elle est teutonne, mais elle refuse obstinément de traduire ce que ces braves gens peuvent bien dire au motard, elle prétend que c’est à elle qu’ils parlent et que ça ne le regarde pas. Parfois le motard se sent un peu las...

 

Demain, les choses sérieuses commencent : un petit tour de l’Iran, le motard en frétille de joie. 

 

C’était le motard heureux qui, en direct de Tabriz, te fait la bise. 

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