De Plovdiv à Pergame
Le couple infernal a parcouru les routes bulgares et turques aujourd'hui, avec un passage de frontière maintenant habituel, des files de bagnoles à l'arrêt de plusieurs kilomètres de long à remonter pour passer devant tout le monde et le passage d'un détroit, les Dardanelles, de triste mémoire pour les alliés franco-anglais, de moins triste mémoire pour les Ottomans dont cette victoire fut la seule en 1916.
​
Pour traverser ce détroit, chargement sur un ferry de la moto éléphant qui s'est retrouvée coincée entre d'énormes camions : pour une fois, c'est elle qui a joué les filles graciles. Depuis, elle n'en peut plus, elle se trouve trop maigre !
​
Note le camion à droite. Sur un charriot chargé de paille, sur un chariot chargé de foin, la fille du coupeur de joint...
Y'a un de ces trafic dans ce détroit des Dardanelles...
La moto éléphant a bien aimé ces petites routes turques qui vont vers la mer, le motard aussi, il a cru se retrouver dans la Provence, ses odeurs de pins et de lavande, ses bavardages des grillons, ses campagnes déshéritées dans lesquelles vivait ma grand mère, cette sainte femme qui, chaussée de ses vieux sabots Hermès peints à la main et vêtue de sa robe en tergal élimée de chez LVMH ("La Vieille Maison de l'Habillement", le marchand turc de fripes du village), sarclait la terre ingrate de son potager pour espérer en tirer suffisamment de lavande pour nourrir sa famille pendant les longs mois d'hivers, et tant pis si, au retour du printemps, ses dix-huit enfants et son bichon n'en pouvaient plus de la soupe à la lavande, de la lavande bouillie, de la salade de lavande et du bortsch à la lavande.
ΠÎργαμον
Ce soir, le motard est dans la ville antique de Pergame (ΠÎργαμον), la ville du Diadoque Lysimaque, l’un des généraux héritiers d’Alexandre le Grand, Pergame qui pendant près de deux siècles étincela, dont la bibliothèque, dit-on, comptabilisait plusieurs centaines de milliers de volumes et rivalisait avec celle d’Alexandrie au point que Ptolémée V, pharaon d’Egypte, fit interdire l’exportation de papyrus vers Pergame.
Le Royaume de Pergame conserva son indépendance jusqu’à la mort en 133 av. JC de son dernier roi, Attale III qui, faute d’héritier, désigna Rome pour exécuteur testamentaire avec pour mission de trouver un nouveau roi. Que crois-tu que fit le Sénat Romain ? L’affaire était trop tentante, et tant pis pour l’honneur et les dernières volontés du Roi Attale, le Royaume de Pergame fut purement annexé par la République Romaine.
Et la bibliothèque, demanderas-tu car tu es un petit curieux, qu’en advint-il ? La bibliothèque, comme la cité de Pergame, continua de prospérer sous les romains et, quand en 41 av. JC Marc Antoine offrit à Cléopâtre 200.000 volumes pris à Pergame, il devait encore en rester une quantité appréciable : pense qu’encore au 2e siècle après JC Pergame était une ville universitaire de première importance, c’est ici par exemple, à l’asclépiion de Pergame, qu’y enseignait Galien, l’un des fondateurs de la médecine européenne, dont les théories furent enseignées dans les écoles de médecine européennes jusqu’au XVIII° siècle.
Heureusement, il ne reste rien aujourd’hui de la bibliothèque de Pergame : figure-toi que la moto éléphant, qui est experte en bibliophilie antique, car elle est teutonne, s’était mise en tête d’y passer un peu de temps pour y faire quelques recherches sur les routes royales perses de la dynastie achéménide, non mais vraiment elle n’en loupe pas une celle-là. Ah ! Elle a moins rigolé quand le motard lui a montré ce qui reste de Pergame : des caillous.
Quand même, ce théâtre taillé dans le flanc de la colline, ça a de l'allure, non ?
Sinon la vieille ville est jolie, pas vraiment touristique, ce qui est étonnant quand on connaît son brillant passé mais, que veux-tu Geek, les touristes s'en foutent des vieilleries dans la montagne, à 100 bornes d'ici il y a Izmir, ses plages, ses boites de nuit et ses clubs de vacance raffinés, c'est quand même plus intéressant, il faut bien le reconnaître.
​
Et puis il y a un problème à Pergame, il ne faut pas le cacher, ce ne serait pas honnête de la part du motard. A Pergame, il y a des (censuré) de muezzin qui braillent, c'est pas pensable, il chantent même, enfin, si on peut appeler ça chanter, ça commence à saouler gravement le motard. Il lui semble se souvenir d'un truc pour faire taire ces muezzin, voyons, où a-t-il vu ça, dans un film peut-être ?
C'était le motard à l'oreille sensible, en direct de Pergame, qui l'en blâme ?